vendredi 23 janvier 2015

Merci pour ce moment - Valérie TRIERWEILER

 

Une actualité fraîchement bouillante.

Je finis de lire aujourd’hui même, ce livre dont on reparle, à l’heure où j’écris ces lignes même, avec tant de passion, faute, peut-être, aux récentes interviews données par l’auteure Outre-Manche. Les passions… Parlons-en ! Ce livre les a autant déchaînées qu’exposées ! De fait, tout le monde a parlé de cet ouvrage. En bien, en mal, en intelligence ou non… Quoi qu’il en soit, personne n’est resté de marbre ! Comment en aurait-il pu être autrement d’ailleurs ? Les confessions passionnées d’une ex-première dame ne pouvaient qu’attirer les fouler et attiser les curiosités. Le tapage médiatique n’arrangeant, en outre, pas vraiment.

C’est bien d’ailleurs face à ce tapage que m’est venue l’envie de lire ce livre. Chacun allant de son petit commentaire, positif ou négatif, chacun interprétant les lignes écrites par l’ex première dame d’une façon ou d’une autre (souvent d’ailleurs bien différente), il m’était impératif que de me faire une opinion personnelle sur ce livre ô combien polémique.

Les lignes que vous allez lire, la chose mérite d’être précisée avant toute critique, ne reflèteront en ce sens que mon avis propre, subjectif par nature, discutable par essence,  mais mon avis tout de même. Aussi, vous serez seul juge d’en apprécier, ou non, la teneur.

 

L’illégitimité, un thème particulièrement récurrent.

Pour commencer cette « critique » je tenais à aborder une thématique particulièrement récurrente de cet ouvrage : l’illégitimité. Celle de l’ex-première dame. Comme pour illustrer mon propos, l’auteure l’explique d’ailleurs fort justement dans son chapitre 10, cette notion d’illégitimité apparaît comme un « leitmotiv » tout au long des lignes de son livre… Elle est le fil conducteur de son témoignage, son point de départ même. L’illégitimité de son statut de première dame, celle de son accession dans cette strate sociale voir même, tout bonnement, de la publication de son ouvrage…

On ressent, tout au long de ces lignes, l’impression de Mme Trierweiler que de ne pas être à sa place. On convient d’ailleurs assez aisément que l’opinion publique, comme les médias d’ailleurs, ne l’ont pas aidé à prendre ses marques…  Mais tristement, ce n’est pas ce qui m’est resté à l’issue de son témoignage. Davantage que cette illégitimité, c’est la crédulité de l’auteure qui m’a intrinsèquement marqué… une telle crédulité, qu’il m’a d’ailleurs été possible d’en douter…

 

Une crédulité manifeste frisant d’ailleurs même parfois avec une certaine forme d’hypocrisie.

Plusieurs fois en effet, ce sentiment d’hypocrisie m’a saisie. Je m’explique.

 

Concernant son histoire d’amour avec le Président tout d’abord :


L'auteure témoigne en effet, à plusieurs reprises, d’une relative incompréhension face à « l'affaire Gayet » et ce, en rapprochant pourtant cette dernière à la situation qu'elle a pu vivre lors des premières infidélités de François Hollande dont Ségolène Royal a été l'objet...

Ce qui étonne effectivement, au travers de ce témoignage, c'est la crédulité d'une femme pourtant instruite et renseignée sur la chose... Un homme ayant été infidèle une fois pourrait-il ne plus jamais l'être alors ? On se plaît en effet à le croire : les individus changent ? Mais comment réfuter cette hypothèse avec tant d’ardeur ? Comment croire un homme que l’on a soit même « détourné » de l’amour de sa femme ? Les bras lui en tombe mais n'était-ce pas, en un sens, à prévoir? L’adage ne parle-t-il pas d’un « arroseur arrosé » ?

En outre, l’ex-première dame n’aurait intrinsèquement pas été, selon elle, responsable de son amour avec François Hollande… Elle reporte d’ailleurs la faute de la première infidélité du futur président sur Ségolène Royal elle-même puisque, selon elle « L’idée d’une histoire sentimentale avec François Hollande ne l’avait pas effleurée. L’irruption de Ségolène Royal, qui [redoutait] par-dessus tout cet amour, [étant venue], sans doute, le rendre possible à [ses] yeux » ou bien encore sur François Hollande lorsqu’elle explique qu’ « [elle a] résisté le plus longtemps possible à cette attirance entre François et [elle]. [Que] c’est lui qui était pressant, lui qui a fait basculer [leur] amitié amoureuse en amour-passion » et ce, alors qu’elle explique quelques ligne plus loin qu’elle « […] sais qu’elle lui plait, [que leur] complicité est évidente, [qu’] elle est comme une amitié particulière, un peu appuyée, qui flirte parfois délicieusement avec l’ambiguïté ».

 

Concernant les critiques qu’elle émet à son encontre ensuite :



Tout au Long de son livre, elle accuse en effet le président d'obérer le caractère public de ses fonctions par des faits privés (on se rappellera, pour exemple de l'affaire du tweet de Ségolène Royal) mais ne participe-t-elle pas, elle aussi, a cet entrisme du privée dans la sphère publique dans les faits qu’elle nous relate tout au long de son ouvrage ?

En cédant à ses pulsions, à ses accès de colère, en tweetant pour faire réagir, cette dernière se rend elle aussi coupable d'un manque de sens général... Pire encore, elle en oublie son rôle « politique » de première dame... De fait, pas de statut... Certes... Elle l’évoque d’ailleurs à juste titre dans son ouvrage… Mais un indéniable devoir moral tout de même... Celui de représentation, à son échelle, de l'Etat français...

Tout le paradoxe est ainsi là : elle critique la surmédiatisation de la vie privée du Président mais s'y affère pourtant en publiant cet ouvrage avant le terme même du mandat présidentiel. Qu'on aime ou non François Hollande qu'on soit de gauche ou de tout autre bord politique, ce qu'on peut regretter de la publication de ce livre, à ce moment-là du quinquennat, c'est l'image ternie qui en résulte de celui qui représente notre pays...

 

Concernant sa propre vie enfin :


A plusieurs reprise dans son livre, elle explique n’avoir jamais calculé, jamais manipulé,… Elle explique en être arrivée là où elle en est par sa seule force de caractère, sa seule volonté, son acharnement et sa détermination… Mais, paradoxalement, nous exprime également que le monde du journalisme politique, de la politique elle-même d’ailleurs n’est que manipulation…

Elle l‘évoque en ces termes : « Dans le sérail, on est habitué aux non-dits, on sourit à ceux que l’on méprise, on médit dans l’ombre ».

Il est douteux et doutable, et c’est un sentiment qui m’a plusieurs fois saisi en lisant cet ouvrage, à juste ou mauvais titre, chacun jugera, que l’ex première-dame n'ait pas été au bon endroit, avec les bonnes personnes, sans une once d’opportunisme, sans calcul ni manipulation... La petite provinciale naïve venue d’une ZUP d’Anger serait arrivée là par hasard et ce, alors même qu’elle nous témoigne à plusieurs reprises, « manquer de culture politique, [manquer] de culture tout cours » ?

En témoignage de ce doute qui reste en bouche après lecture de ce : « J’ai aussi quelques entrées à l’Élysée. Ce n’est pas fréquent pour une jeune journaliste. Les plus anciens de Match en charge de la politique ne me voient pas arriver d’un bon œil. Six mois plus tard, le légendaire patron du journal, Roger Thérond, m’engage, au plus bas de l’échelle, comme rédactrice ». Des entrées à l’Elysée sans même être encore, professionnellement parlant, qui que ce soit ? La « virginité morale » de l’ex-première, est en ce sens assez discutable selon moi. Il ne s’agit pas d’un procès d’intention, loin de là. Il est tout à l’honneur de l’ex-première dame d’avoir une carrière telle que la sienne compte tenu de son milieu social d’origine, loin d’être favorable et dont elle parle à plusieurs reprises dans son livre mais, crédule serait celui qui s’imagine pouvoir pénétrer les arcanes du monde politique sans « copiner » à un moment ou un autre de sa carrière. C’est cela qui est à mon sens critiquable, le manque relatif d’honnêteté  intellectuelle là où la réalité des choses est pourtant connue de tous.

Ainsi, l’idée, à la lecture de ses lignes, m’a semblé être de séduire le lecteur, d’emporter sa compassion, d’attirer son attention sur la volonté de l’auteure que de devenir « quelqu'un » dans un monde qui ne l'a fondamentalement pas gâté socialement parlant, que de s’émanciper de sa « catégorie » sociale, que de « détruire son plafond de verre » pour reprendre ses mots...

Le « traumatisme » de son enfance dû à la condition sociale de ses parents semble aussi réel qu’avéré mais c'est le motif de ses confessions qui rend la chose discutable à mon humble sens... J’ai personnellement ressenti une certaine volonté  de convaincre en lisant ce livre... La volonté de faire comprendre des choses qui justifierait ses actes... Ceux du tweet, ceux du baisé demandé lors du discours post-élection,…

 

Le pouvoir de l’amour défait par l’amour du pouvoir : l’envers du décor.

Ce livre nous dresse en outre un portrait peu flatteur du président actuel : froid, indifférent, colérique, parfois même cruel (cf : les « sans dent » ou la « famille Massonneau pas très jojo » dont on a suffisamment parlé dans les médias). Le président normal, au travers de ces lignes est bien malmené…

Pour autant ce qui devait conduire à un réel désamour de ce dernier n’a pas eu l’effet escompté chez moi… Sans avoir été jamais proche de François Hollande, ces lignes, supposées le discréditer ont eu sur moi l’effet inverse… elles ont suscité, à certains moments (certains passages traitant de son comportement étant tout bonnement insoutenables…) une certaine forme de compassion… Résultant, notamment, je pense, de la charge de la responsabilité politique pesant sur l’homme. Ce qui m’a davantage étonné c’est le manque d’empathie dont a pu faire preuve l’ex-première dame lors de certains passage, notamment lorsqu’elle raconte le soir de l’élection du futur président :

« Le temps presse, la foule amassée place de la Cathédrale attend depuis déjà plusieurs heures. Je demande à François de prendre le temps pour quelques photos car ce moment est unique. Mais François s’agace et me rembarre violemment. Je ne comprends pas sa réaction. Cette minute qui aurait dû être un instant de bonheur vient d’être gâchée. Je vais m’enfermer dans la salle de bains attenante. Pour moi aussi, la tension a été très forte et se relâche ». La « tension a été forte »… La « tension est forte » serait plus approprié… Etre élu ce n’est pas la fin de quelque chose… C’est bien davantage le début ! Ce qui choque, en l’espèce, c'est l'incapacité de l’ex-première dame de faire montre d'empathie... Il y a le stress d'un discours qui marquera l'histoire, celle du nouveau Président mais aussi, et surtout, celle de la France mais encore parce qu'humain, surement, la crainte de jours difficiles malgré la « victoire »... Des sentiments d'une réelle ambivalence en somme qui peuvent pousser l'homme surement déjà à fleur de peau à l'agacement et qui pourrait en ce sens expliquer le geste...

 

A lire ou non ?

J’aurais très sincèrement aimé ne garder en mémoire, que le bon qui ressort de ce livre. L’investissement humanitaire, associatif, les témoignages de ces femmes violées de République Démocratique du Congo lorsque l’ex-première dame visite l’hôpital du docteur Mukwege, le témoignage de ce jeune handicapé fan de Philippe Croizon, son modèle, ou bien encore la narration de la journée pour les « Oubliés des Vacances ». Mais la dure réalité, c’est que le ton, malgré ces sursauts de compassion, d’humanité, vire trop souvent à la vengeance… Plusieurs fois l’on a envi de céder à la compassion, de faire montre d’empathie, de comprendre cette femme trahie, humiliée publiquement, mais la vengeance rend la chose malaisée, elle ne permet pas de passer outre la colère exprimée, ressentie même… Le sentiment est là que ce livre n’a pas été écrit pour soulager sa tristesse mais pour laver l’affront du Président, comme pour le blesser là ou l’ex-première dame identifie une de ses faiblesses : son aura auprès de « l’opinion publique ».

L’ex première dame parle, de manière récurrente, de dignité… n’aurait-il pas été plus digne alors, pour elle, que de mettre un terme à cette spirale de l’humiliation… encore aujourd’hui même cette dernière rajoute au spectacle dans ses interviews rendues Outre-Manche… c’est tout cela qu’on regrette à la lecture de ce livre… c’est l’affront fait à la France pour laver un honneur personnel… C’est l’oublie d’une nation pour recouvrer, d’une triste manière, fut-elle d’ailleurs recouvrée, une malheureuse dignité …

En conclusion : le lire oui, l'acheter non. De fait, acheter un tel ouvrage c'est donner du crédit à de telles pratiques qui, qu'importe la souffrance « du plus lésé des deux », ternissent l'image de notre représentant et, par extension, celle de notre pays. L'ouvrage, publié à l'issue du quinquennat, en tenant compte de l'éthique et de la déontologie politique, fussent-t-elles existées un jour, du sens commun même, aurait été bien plus apprécié (mais moins médiatique et donc moins attrayant d'un point de vue mercantile diront certains...).